Fonds de dotation
Jean-Pierre Bertrand

Regard sur une œuvre de Jean-Pierre Bertrand
Babel Bomb
par Jean Daive

Rencontre #4 - À LIRE ET À ÉCOUTER

Jean Daive retrace la vie de Babel Bomb, une œuvre de Jean-Pierre Bertrand, de sa création en 1981 à sa réélaboration en 2004. À partir de cette œuvre, c’est toute la démarche de l’artiste qui est envisagée par un de ses plus proches témoins.

Jean-Pierre bertrand © DR
Babel Bomb
© Jean-Pierre Bertrand - ADAGP

Introduction : un chef d’œuvre qui décoiffe

Jean Daive décrit sa rencontre avec l’œuvre Babel Bomb, en 1981 au Musée d’Art de Toulon, et donne ses premières clefs d’interprétation de ce « chef-d’œuvre qui décoiffe »

’’Consubstanciellement ou l’instant unique’’, vue partielle d’exposition © Jean-Pierre Bertrand - ADAGP / Photo : Claude Germain, 2004

« Je vais essayer de vous parler d’une œuvre que je trouve magistrale. J’évite d’employer le mot de chefs-d’œuvre qui fait rire, qui fait sourire, mais c’est un mot auquel je crois, chef d’œuvre, ça veut dire une œuvre qui décoiffe ! »

« Ce qui étonne tout d’abord, c’est la construction. Certains disent que c’est la forme qui détermine la construction, et certains autre disent que c’est la construction qui révèle la forme. Moi il me semble que c’est la construction très simple, en deux parties, la partie de droite constituée de six rectangles, la partie de gauche constituée de quatre tableaux. »

« Vous savez que Jean-Pierre Bertrand a trois éléments essentiels, avec lesquels il travaille : le citron, le sel, le miel. Il faut toujours aussi préciser que l’air est là, ou n’est pas là. Là, l’air circule, pour sans doute alimenter la corrosion, la corruption, c’est-à-dire les éléments attaquent le papier, et l’attaquent beaucoup mieux avec de l’air qui s’y glisse. »

1. Sur la piste de Babel Bomb

Jean Daive partage des extraits de son livre Intégrale et Latéralité et de plusieurs entretiens qu’il a réalisés avec Jean-Pierre Bertrand. En revenant sur ces 40 ans d’amitié avec l’artiste, il entre dans la construction et la matière de Babel Bomb.

Jean Daive, ’’Intégrale et Latéralité - Jean-Pierre Bertrand, une approche phénoménologique’’, CIPM, 2010, Introduction, non paginé. © DR

« Où il est question de la chose vue, de la lumière, de l’écriture, de l’accélération qui contient l’image intégrale.

Où il est question aussi de la décomposition de la chose vue, du sel, du citron, du miel, c’est-à-dire de la phosphorescence, de la fermentation, de la luminescence, de la combustion participant de la chose vue.

Où il est démontré que si parler c’est écrire, peindre c’est encore ouvrir la bouche en n’ignorant pas que ce qui est absorbé, à savoir le monde du soleil, décompose le monde du soleil, se modifie en amidon, en gaz, en eau, en sucre, en azote, en molécules, en acides, se transforme donc en langage visuel.

Où il est question de la peinture comme d’une énergie (miel, citron, sel), enfin de Jean-Pierre Bertrand. »

Jean Daive, Intégrale et Latéralité - Jean-Pierre Bertrand, une approche phénoménologique, CIPM, 2010, Introduction, non paginé.

Giotto, ’’Le baiser de Judas’’, 1304-1306, fresque, 200 x 185 cm, Cappella degli Scrovegni, Padoue, Italie © DR

« Je l’ai fait à la suite d’un coucher de soleil que j’avais vu, qui m’avait fortement marqué. Enfin une sorte de rayonnement du soleil quand il se couche, et pourquoi il me vient maintenant en tête ce tableau de Giotto, qui est Le baiser de Judas ? Je m’aperçois que dans ce tableau Jésus regarde Judas, et son œil est très exactement comme un cristal, qui pénètre non pas les yeux de Judas qui est en face de lui, mais le front de Judas. Il pénètre dans le front, dans ce que j’appellerais, ou ce que certains appellent, le troisième œil, dans cette région-là constituée. Et dans cette masse un peu informe peinte par Giotto, une sorte de crâne. De crâne, quelque chose de très aigu, qui doit être dedans, une sorte de flèche, qui pour moi à absolument rapport au diamant. » Jean-Pierre Bertrand

2. L’oeuvre infinie

Pourquoi une œuvre peut-elle contenir sa propre disparition ? Jean Daive livre son interprétation de Babel Bomb, à la lumière de Jean-Luc Godard et de la psychanalyse.

Photogramme du film Borges © Jean-Pierre Bertrand - ADAGP

« On peut se poser, quelle est votre dette ? quelle est ma dette ? et surtout le sujet, Jean-Pierre, Quelle est la dette de JPB ? s’il en a une, je suppose que oui. Il dit quand même dans un entretien, « Je poursuis mon enfance », il dit dans un entretien combien il a souffert en étant cameraman, en filmant Borges. Pourquoi ? Borges c’est lui, l’écrivain c’est JPB, face à un autre grand écrivant Borges. »

3. La restauration en question

Comment continuer d’exposer des œuvres qui évoluent ? Jean Daive évoque ses relations à Christian Boltansky, Daniel Buren et Marcel Broodthaers pour poser la question du cycle de l’œuvre.

Jean-Pierre Bertrand, Le livre de sel © Jean-Pierre Bertrand - ADAGP

« Il sort le chariot, il n’y a plus rien, il n’y a plus que les deux semelles de la boîte à sel, de la dernière boîte à sel. Alors il en parle dans des entretiens, JPB, parce que je pense que JPB est un artiste, mais aidé de la provocation. Dont il est la première victime, ou le modèle. Il se provoque et il provoque. Et il sait, en faisant ça, c’est-à-dire en bourrant ces boîtes à sel de sel humide, qu’est-ce qu’il va faire, il dit : tout se dédouble. »

Discussion avec le public

Nina Rodrigues-Ely, Hans van Vliet, Doris van Drathen et Hubert Besacier réagissent à la question du cycle de l’œuvre et donnent leur interprétation de Babel Bomb. Jean Daive évoque l’exposition de Jean-Pierre Bertrand au Centre Pompidou en 2019 et la dernière exposition de Cy twombly.



Yellow green aplat

© DR

Mentions légales | Recevoir nos informations